TL MAGAZINE - Maison Intègre

Au coeur de l'artisanat de création du Burkina Faso

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L'Éventail

Le design du "pays des hommes intègres"

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Pièces d'intérieur

PIÈCES D'INTÉRIEUR

fragments de pièces dans l'espace

MAISON INTÈGRE CHEZ FÉAU BOISERIE

En 2022, Maison Intègre prenait part à la première exposition d’Invisible Collection chez Féau Boiserie.
À la fois atelier et galerie, cette maison d’excellence perpétue la tradition du décor à la française par la conception, la fabrication et la pose de décors de boiseries depuis 1875 lorsque Charles Fournier ouvre son atelier, devenant rapidement l’un des plus célèbres décorateur de la Belle Époque.

Un espace labyrinthique dans lequel prennent part les pièces emblématiques de Maison Intègre.

MAISON INTÈGRE CHEZ ATELIERS COURBET

Les Ateliers Courbet est une galerie de design basé à New York.
Fondée en 2013 par Mélanie Courbet, la galerie présente des pièces d’exception mêlant dextérité artisanale et patrimoine culturel à travers des collaborations avec des artistes, designers et artisans.

Depuis 2022, Maison Intègre y présente la collection dessinée par Noé Duchaufour-Lawrance.


Raphaël et Noëlie Sawadogo

RAPHAËL ET NOËLIE SAWADOGO

créateurs et tisseurs

« J’ai appris la teinture et ça m’a plu, j’aime la création ! » Raphaël Sawadogo a déjà vécu plus de dix vies. Dans le bois, dans la certification, à l’étranger, il a exercé de nombreux métiers, parfois très bien rémunérés, jusqu’à devenir employé d’un atelier de tissage. « J’étais le bras droit du patron, un ami de longue date, je l’aidais notamment dans la gestion administrative ». Puis son ami lui annonce un départ imminent aux Etats-Unis et la fermeture de l’atelier. « J’étais en danger ! » C’était il y a quatre ans. Il se décide à apprendre la teinture, et c’est une révélation. « J’aime beaucoup cela, et cela fait vivre ma famille ».

À ses côtés, Noëlie, son épouse, crée et tisse les prototypes. Le couple est installé dans la cour de leur maison de Cissin, à Ouagadougou. Un métier à tisser de 10 mètres s’y impose, portant les fils de la création en cours.

« Nous tissons du Faso dan Fani, à partir de coton local, le plus souvent possible bio. » Le Faso dan Fani revenu à la mode à la faveur de la préférence nationale donnée aux créations locales n’a pas généré chez eux de hausse d’activité. « Mais nous avons une valeur ajoutée : nous tissons du fil de 40, alors que les autres tissent du 20. » Un fil beaucoup plus fin et élégant que le dan Fani traditionnel, parfois un peu lourd à porter.

Raphaël et Noëlie misent également sur la sobriété pour se différencier « pas de fils dorés chez nous, ni de motifs criards ». De fait, leurs pagnes sont soit « blanc sale », c’est-à-dire écru, soit de couleurs pastel. Car Raphaël privilégie la teinture naturelle de son fil, à base de feuilles, de racines, d’écorces ou de pierres. Et même lorsqu’il doit utiliser des teintures chimiques pour des raisons financières, il s’astreint à une gamme de couleurs proches de celles obtenues par teintures naturelles. Une fois le fil nettoyé par débouillissage, le motif créé par Noëlie et le prototype tissé, ce sont quatre femmes qui tissent les pagnes qui partiront chez les clients.

Raphaël travaille avec les particuliers mais également des couturiers, et pas des moindres. François 1er, styliste burkinabè de renom, a été séduit par la finesse de son Dan Fani et la délicatesse de ses motifs. « Et nous sommes parmi les seuls à tisser en 45 cm de large, là où les autres tissent plutôt du 30 cm ». L’exigence du couple Sawadogo pour la qualité finale, la difficulté à tisser un fil aussi fin font que certaines femmes refusent de tisser, car « il faut être posé, écouter les conseils et accepter les critiques » souligne Raphaël.

En mars 2016, la remise au goût du jour du Dan Fani et la décision présidentielle de produire un pagne national dans ce coton a provoqué une rupture de fils. « Il n’y en avait plus, nulle part », se souvient Raphaël, qui a dû se séparer de 6 de ses tisseuses. Aujourd’hui, elles se sont réinstallées dans d’autres activités et ne souhaitent pas revenir. Raphaël est donc confronté au problème de tout artisan en croissance. Pas assez de mains pour augmenter la quantité, et donc pas assez de revenus pour engager 6 nouvelles employées et investir dans le matériel qui va avec. Mais la ténacité et le professionnalisme du couple laisse deviner que cet état ne durera pas éternellement, grâce à leurs nombreuses recommandations.

D’ailleurs, les objectifs sont clairs : « j’ai acquis un petit terrain, je souhaite y construire un atelier pour y réunir toutes les étapes depuis la teinture jusqu’à l’exposition-vente des produits finis.» Et rendre ainsi la cour de leur petite maison aux jeux de leurs trois enfants et du chien Tex.

« Le tissage de Faso Dan Fani demande du sérieux et de la précision pour obtenir un produit de qualité qui se différenciera ».


Faso Dan Fani

FASO DAN FANI

Pagne tissé de la patrie.

Le Faso Dan Fani est un tissu de coton tissé burkinabé, mais incarne avant tout la puissante symbolique d’une nation depuis 1983, lors de l’élection du Président Thomas Sankara.

La tradition du tissage de ces pagnes est très ancienne.
«Le peuple ne doit pas être esclave de ce que les autres produisent.» Ainsi ce pagne représente l’identité d’un peuple récemment sorti du colonialisme.

«Produisons ce dont nous avons besoin et consommons ce que nous produisons.»

«Dans tous les villages du Burkina Faso, l’on sait cultiver le coton. Dans tous les villages, des femmes savent filer le coton, des hommes savent tisser ce fil en pagnes et d’autres hommes savent coudre ces pagnes en vêtements. Nous ne devons pas être esclave de ce que les autres produisent ».

Thomas Sankara

C’est lors de l’accession au pouvoir du capitaine Thomas Sankara, au milieu des années 1980, que le Faso Dan Fani deviendra un symbole national, promouvant alors ce savoir-faire local. Déterminé à favoriser l’émancipation des femmes par le travail et le développement des productions nationales, Thomas Sankara, dont l’inspiration politique était essentiellement basée sur le communisme et l’anticolonialisme, impose par décret le port de tenues réalisées en Faso Dan Fani à ses fonctionnaires. « Porter le faso dan fani est un acte économique, culturel et politique de défi à l’impérialisme ».
Si l’utilisation quotidienne de ce pagne est légèrement tombée en désuétude suite à la mort de Sankara et à l’instauration d’une politique beaucoup plus libérale, le Faso Dan Fani est toujours demeuré la base des productions de vêtements de fête et d’apparat, les Naba – chefs de village – le portant à chaque occasion. Le premier d’entre eux, le Mogho Naba, l’empereur des Mossis, veille ainsi à toujours porter un Faso Dan Fani lorsqu’il apparaît en public ou reçoit en audience dans son palais de Ouagadougou.

The Mogho Naaba, kings of the Mossis, one of the ethnic groups in Burkina Faso, dressed as Faso Dan Fani ©Afrika tiss

La révolution survenue en 2014 ayant chassé du pouvoir le dictateur en place depuis le décès de Sankara a soulevé un incroyable vent de patriotisme parmi les Burkinabè. Roch Marc Christian Kaboré, Président démocratiquement élu fin 2015, a remis au goût du jour le port du Faso Dan Fani, lui-même en portant à chacune de ses apparitions, y compris en voyage officiel à l’étranger. Si l’usage du Dan Fani n’a pas été rendu obligatoire cette fois, il est toutefois très favorisé. Chaque manifestation politique voit les hommes d’Etat vêtu de la tenue traditionnelle tissée dans ce coton lourd, et le pagne dit « du 8 mars », édité chaque année en l’honneur de la Journée mondiale de la Femme pour l’égalité des droits, et traditionnellement offert par tous les employeurs à leurs salariées, est désormais du Faso Dan Fani.

Robuste et naturel, le Faso Dan Fani est devenu le symbole d’une Nation fière de ses racines et de son savoir-faire.

« Aujourd’hui le Faso Dan Fani est très apprécié dans le monde. C’est le tissu africain le plus cher et le meilleur de nos jours. »

Pathé Ouedraogo, dit Pathé'O, styliste ivoirien

Collection T.Reicheville, 2016, Pathé'o


Mohammed Ouiya

Mohammed Ouiya

Mohamed est l’un des principaux soudeurs de l’atelier Maison Intègre. Il délaisse l’école pour le bronze en 2006 et se trouve une place au centre artisanal en tant que soudeur. “C’est mon frère qui m’a initié au travail du bronze et ça m’a plu.” Electron libre dont le travail de soudure est indispensable dans la finition des pièces, Mohammed rejoint l’équipe Maison Intègre en 2020. “Je dois encore m’adapter aux différentes exigences mais tout se passe bien. Il y a eu pas mal de changement avec la construction de l’atelier mais s’il plaît à Dieu, que Maison Intègre avance et prospère ! Si c’est le cas, ça nous bénéficiera aussi. ”


Lazare Ouedraogo

Lazare Ouedraogo

Lazare est un élément indispensable au bon fonctionnement de l’écosystème Maison Intègre.
Présent dès la genèse du projet, il occupe aujourd’hui un rôle central dans la gestion de l’atelier, du matériel et des parties prenantes. C’est le superviseur, le gestionnaire et le médiateur de toute l’activité de Maison Intègre au Burkina Faso.
“J’ai rencontré Ambre lorsqu’elle travaillait encore à Canal + où j’y faisais des petits travaux. Grâce à ses recommandations, j’ai pu trouver de nombreux autres clients. Ce qui m’a permis de créer ma propre société. C’est tout naturellement que lorsqu’elle m’a proposé de l’accompagner dans le développement de Maison Intègre, j’ai accepté. Je ne connaissais absolument pas le travail du bronze. Au fil des années et des pièces produites, j’ai pu me familiariser avec tous les corps de métiers du bronze. Maison Intègre n’est pas un projet de tout repos avec beaucoup de défis sur le plan technique comme sur le plan humain. La situation ici au Burkina n’est vraiment pas facile au quotidien. Mais, j’aime me dire que je permets à des artisans de vivre de leur art et de nourrir leur famille. Aujourd’hui, grâce à la confiance bâtie avec Ambre, notre relation a dépassé le stade des liens professionnels. Maison Intègre pour moi, c’est la famille !”


Retrospective

RETROSPECTIVE

Début 2023 Maison Intègre a présenté pour la première fois à Paris une retrospective de son travail à la galerie Noé Duchaufour Lawrance.
Retour sur cette exposition qui met en lumière sa collection permanente mais aussi les nouveautés Maison Intègre Studio.

Photographies par ©LucasFranck


Les cavaliers du Burkina

Les cavaliers du Burkina

Si vous venez au Burkina, il n’est pas rare de rencontrer un cavalier arpentant les rues. Le cheval, emblème du Burkina, a une relation très étroite avec ce pays.

Ce lien est né de l’épopée légendaire de la princesse Yennenga et d’un prince Malinké en exil. Yennenga signifie “la mince, l’élancée”, elle est la fondatrice du royaume Moogo rassemblant les peuples Mossis dans l’actuel Burkina Faso. Elle est la fille du roi Nedega, roi autoritaire et juste qui régnait sur les peuples Dagomb. La princesse était passionnée par les chevaux, mais désespérait de ne pas pouvoir monter comme le faisaient les hommes.
Rebelle et téméraire, elle convainc son père de lui donner l’autorisation de chevaucher à ses côtés et devint une guerrière féroce. Suite à un conflit avec son père, ce dernier la jetta en prison, cependant la princesse parvint à s’évader et s’enfuit sur sa monture favorite, un étalon blanc. Lors de sa fuite, elle rencontra le prince Malinké, dont elle tomba éperdument amoureuse. De leur union naquit le prince Ouedraogo qui signifie “étalon” ou “cheval mâle”. Aujourd’hui ce patronyme est l’un des plus répandus au Burkina Faso, et l’étalon blanc sur lequel s’est enfuie la princesse est aujourdhui l’emblème nationale du pays.

Aujourd’hui ce ne sont que quelques familles aisées qui possèdent des chevaux en ville, les jeunes cavaliers se déplacent dans les rues et se mêlent à la circulation frénétique de la capitale. Se donnant rendez-vous devant un bar ou une boite de nuit, ils se retrouvent à des cérémonies ou des spectacles. Ils permettent à tous de se remémorer le culte équestre de la noblesse et de la beauté.  Il est courant également de croiser des chevaux se promenant en liberté, ils s’arrêtent parfois devant les maisons simplement pour paître, ils sont les rois de la ville. 

Philippe Bordas et un photographe qui a réalisé une série de clichés mettant en valeur les cavaliers Mossis. « J’accompagnais [l’artiste] Tiken Jah Fakoly, dont j’étais le photographe pour un concert à Ouagadougou. Des cavaliers sont venus à l’aéroport et nous ont escortés à travers la ville. Ils étaient très impressionnants, et cela a attiré ma curiosité. »

À travers cette collection de photographies, il nous permet de nous plonger dans la relation étroite qu’ont les Ouagalais avec l’animal majestueux qu’est le cheval. 

© Philippe Bordas